Sur une butte allongée, la ville haute renferme de surprenants et mystérieux témoignages d’un étrange passé… On évoque même une « montagne couronnée » à son encontre.
Niché au cœur du département de l’Aisne, le sommet de cette butte splendide est dominé par la somptueuse cathédrale de 110 mètres de longueur qui servit de modèle aux cathédrales de Chartres et de Paris et qui est aussi dédiée à Notre Dame.
Volonté divine
Il n’a fallu que quatre-vingts ans aux Bâtisseurs – dont on ne soulignera jamais assez la maîtrise de leur art – pour élever, dès 1155, cette œuvre admirable.
Ce qui frappe en regardant cet édifice sacré, ce sont les cinq remarquables tours. Tout en étant massives, elles paraissent très légères compte tenu de leur architecture dentelée et de leur évidement.
Outre cet aspect agréable, la présence de grands bœufs de pierre gés au sommet des tours attire également l’attention. Pourquoi cette présence insolite ?
Selon une première version, il s’agirait d’un hommage rendu aux Bâtisseurs pour leur travail harassant : «Travailler comme un bœuf»…
Selon une deuxième version, il s’agirait d’une présence symbolique. Alors qu’il tirait d’énormes madriers nécessaires à la construction des toitures et des blocs de pierre, l’un des bœufs du convoi s’effondra en pleine montée vers le chantier.
Aussitôt, la volonté divine le remplaça par un bœuf en pleine santé, selon une légende, ou ressuscita l’animal terrassé, selon une autre légende.
La troublante Sainte Face
Particulièrement interpellante, voire troublante, cette peinture à l’huile exceptionnelle du XIIe siècle « La Sainte Face » avec du cyprès comme support.
D’une hauteur de 44 centimètres et d’une largeur de 40, cette icône fut acquise par Jacques de Troyes, fils d’un savetier, archidiacre de la cathédrale de Laon, pape sous le nom d’Urbain IV, qu’il offrit à sa sœur Sibylle, abbesse du monastère cistercien de Montreuil-en-Thiérache, où cette œuvre devint l’objet d’un pèlerinage important. Depuis 1795, elle fait partie du trésor de la cathédrale de Laon.
Ce mandyllon célèbre a trouvé une place de choix dans une production du cinéaste de documentaires Hervé Nisic, « Le film 100 têtes », dont un dialogue résume parfaitement mon approche :
– Sur l’icône de la Sainte Face, l’empreinte légendaire de la face du Christ paraît comme décapitée ; sans épaule ni cou, on peut oublier le corps. En vérité, une icône ne se regarde pas, elle s’embrasse, elle s’absorbe, elle se vit : elle engendre un monde invisible dans ses tracés visibles. Elle ne copie pas le monde extérieur, elle ne le représente même pas. Elle inscrit la présence d’une expérience religieuse ; elle fait voir Dieu.
– Une icône est faite de découpages, c’est de l’écriture presque, c’est du graphique et peut-être du fait d’avoir été élevée à l’ombre de ces icônes, j’ai été sensible à cette force du trait.