Dans les campagnes, les commanderies furent généralement disposées selon un même plan : une cour intérieure rectangulaire ou carrée entourée du corps de logis, des ateliers, des écuries… Au sud se dressait la chapelle. Celle-ci était généralement de dimensions modestes puisque les commanderies étaient érigées en rase campagne.
Certaines de ces chapelles avaient une allure militaire (murs épais, faibles ouvertures) et furent le reflet des deux composantes de l’Ordre : l’aspect religieux et l’aspect militaire.
Chapelles circulaires, chapelles hexagonales (pour commémorer les six jours durant lesquels Dieu créa la terre, prétend une légende), chapelles dodécagonales, chapelles octogonales (pour faire penser aux huit béatitudes, dit-on aussi) fleurirent sur l’immense territoire contrôlé par les Templiers.
Parmi elles, celle de Laon est le plus ancien vestige templier reconnu d’Occident.
Ainsi, non loin de la cathédrale Notre-Dame, un petit espace verdoyant accueille cette chapelle extraordinaire à côté du musée municipal.
Il faut savoir que les Templiers s’installèrent à Laon dès la naissance de leur Ordre, la cité étant une plaque tournante et abrita même certains membres de la royauté avant que Paris ne la supplante définitivement.
Saint Rémi naquit à Laon ainsi que Berthe au grand pied, la mère de Charlemagne. Les rois Charles le Simple, Louis IV, Lothaire et Louis V en firent leur capitale.
Revenons-en à la chapelle des Templiers qui est, en fait, la réplique de la basilique du Saint-Sépulcre de Jérusalem (construite près de l’endroit où Jésus aurait vécu les derniers moments de la Passion et où il fut enseveli).
La chapelle garde à la clé de voûte la sculpture du célèbre Agnus-Dei cher aux moines-soldats. Cet agneau, également nommé Agneau mystique, tient avec une patte repliée sous lui la hampe d’une bannière que surmonte une croix pattée : la croix des Templiers.
À l’extérieur, on remarque d’étranges sculptures de têtes de chats qui ont un étroit rapport avec les levers solsticiaux du soleil, selon divers ésotéristes, mais également des visages humains et des hures de sangliers. La symbolique chrétienne compare ces animaux aux démons en raison de leur goinfrerie et de leur impétuosité.
Un étrange cadavre…
À l’intérieur de cette chapelle, il y a, installé dans une armoire vitrée, un transi. C’est-à-dire l’effigie d’un mort à l’état de cadavre nu et décharné. Ce fut le premier du genre, paraît-il.
Ce transi est celui de Guillaume de Harcigny, né à Laon vers 1310 et décédé en 1393. Il a fait des études médicales dans sa ville natale et à Paris, approfondit ses connaissances en Égypte, en Syrie et en Italie, ouvrit un cabinet à Noyon et devint un médecin réputé. En 1392, il fut appelé au chevet du roi Charles VI alors frappé de folie.
Ayant réussi à calmer le souverain, le médecin fut comblé d’honneurs et de biens, mais il préféra rentrer à Laon plutôt que de rester à la cour.
Il mourut quelques mois plus tard. Il avait légué une partie de ses présents à la Ville de Laon afin que l’on entretienne les remparts qui, comme la chapelle, sont toujours visibles à l’heure actuelle.
L’historique du transi est bien connu et c’est ainsi que l’on sait qu’il fut réalisé à sa demande une année après sa mort.
Cette pièce, qui fut sauvée des destructions de la Révolution grâce à la reconnaissance des Laonnois envers ce généreux médecin, est un très haut-relief sculpté dans un monolithe de calcaire contenant des restes de fossiles et de grains de glauconie (silicate), qui rappelle la décomposition.
La dépouille sculptée nous montre un corps assez bien conservé malgré une année après le décès; si le visage est obligatoirement squelettique, les cheveux ondulés auraient repoussé, alors que les fessiers sont encore bien présents, ainsi que les côtes.
Il a été récemment restauré et on a tenté de réparer au mieux le bras droit cassé à plusieurs reprises en s’efforçant de restituer sa continuité esthétique et mécanique.